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Historique du grand orgue

La genèse du grand orgue de la cathédrale de Luçon est marquée par les relations très tendues entre le Gouvernement et l’Évêque de Luçon Mgr Baillès, opposé au régime de Napoléon III. Déjà, un premier instrument commencé par le facteur d’orgue Nicolas Henry voit sa destination changée par l’Administration en 1853 : cet orgue est octroyé à la cathédrale d’Agen tandis que Napoléon III décide d’offrir le buffet à la cathédrale de Carcassonne, avec construction d’une partie instrumentale par Cavaillé-Coll. Par la suite, l’Administration s’aperçoit que la tribune de la cathédrale de Carcassonne n’est pas adaptée pour recevoir ce buffet. Alors que Mgr Baillès est remplacé par un évêque plus favorable au Gouvernement, une nouvelle décision est prise : le Ministère des Cultes demande finalement à Cavaillé-Coll d’installer l’orgue dans la cathédrale de Luçon, le buffet retrouvant sa destination initiale…

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De style gothique, ce beau buffet en chêne est conçu dès 1849 par l’architecte diocésain Émile Boeswilwald puis réalisé à Paris par le menuisier Nicolas Desharnoux, le sculpteur Adolphe-Victor Geoffroy-Dechaume et le serrurier Pierre Boulanger. Il renferme la partie instrumentale due à la célèbre manufacture parisienne d’Aristide Cavaillé-Coll, suivant son devis pour un grand orgue de 3 claviers et 40 jeux rédigé en 1852 pour la cathédrale de Carcassonne. Souhaitant présenter cet instrument à l’Exposition Universelle de Paris de 1855, le facteur d’orgue en soigne particulièrement la présentation et ajoute même un quatrième clavier commandant un deuxième plan sonore expressif de 14 jeux. Ce clavier supplémentaire constitue alors une véritable nouveauté : c’est la première fois en France qu’un orgue comporte deux boîtes expressives avec un grand clavier de récit en 16 pieds et une batterie d’anches complète.

 

 

En attendant que le Ministère donne l’ordre de monter l’instrument dans sa cathédrale de destination, Cavaillé-Coll profite de la présence de celui-ci dans ses ateliers pour organiser des auditions et faire connaître son travail au monde musical. Avec ses 4 claviers et 54 jeux, l’orgue destiné à la cathédrale de Carcassonne suscite l’admiration des musiciens invités à le jouer et l’écouter, dont Balthazar Waitzennecker, Peter Cavallo, Gioacchino Rossini et César Franck qui compose deux pièces (Pièce [Fantaisie] en ut majeur et Andantino) utilisant les nouvelles ressources musicales offertes par les deux claviers expressifs.

 

 

 

 

En 1857, quand l’ordre est donné d’installer l’instrument dans la cathédrale de Luçon, Cavaillé-Coll démonte le matériel correspondant au Grand Récit ajouté pour l’Exposition Universelle et non prévu au devis pour l’intégrer dans un nouvel orgue commandé par les Carmes de Bagnières de Bigorre. Cet instrument se trouve aujourd’hui dans l’église de Castelnau d’Estretefonds, avec le Grand Récit expressif de 14 jeux dans un état de conservation remarquable. De son côté, le nouvel orgue de Luçon est monté dans la cathédrale par Charles Carloni et François Callinet. Une Éoline, jeu à anches libres, est ajoutée pour ne pas laisser muet l’ancien clavier de Grand Récit, portant le nombre total de jeux à 41.

Cent ans après son installation, le grand orgue, très empoussiéré, commence à montrer des signes de fatigue. Malgré l’installation en 1864 d’une couverture en sapin pour protéger l’intérieur de l’orgue et un relevage effectué en 1899 par le facteur d’orgue nantais Louis Debierre, une restauration complète s’impose. À la demande de l’abbé Pierre Bioget, le facteur d’orgues Pierre Chéron établit en 1958 un projet chiffré de restauration du grand orgue puis, un an plus tard, « les éléments d’un rapport pour l’Administration des Monuments Historiques ». La conclusion de ce rapport peut se résumer en cinq points : conserver le caractère propre de l’orgue (« Rien ne doit être modifié dans ce qui existe ») ; compléter l’instrument en utilisant le 4ème clavier ; établir la console « aux normes standard » (pédalier complet, tirasses et accouplements, pédale d’expression à bascule) ; ajouter quelques jeux (dont le Plein-jeu du Positif inscrit au devis de Cavaillé-Coll de 1852) ; classer l’instrument.

 

S’il faudra attendre 1999 pour le classement de l’orgue parmi les Monuments Historiques, les autres souhaits de Pierre Chéron seront totalement exaucés par le facteur d’orgue alsacien Curt Schwenkedel dans son devis de 1964 où il insiste sur la grande qualité de facture et la sonorité de l’orgue, « d’une noblesse tout à fait exceptionnelle ». Avec ces travaux entamés en 1967, Curt Schwenkedel et Louis Rhodé, son harmoniste, s’attachent à conserver presque intégralement l’orgue de Cavaillé-Coll, ce qui semble unique et exemplaire à cette époque pour une restauration d’orgue du XIXe siècle. Au niveau de la tuyauterie, seule la Viole de gambe 8 du Grand Orgue disparaît. Le jeu d’Éoline est déposé et un nouveau plan sonore de 9 jeux commandé par le troisième clavier (ancien Grand Récit) est créé, de même qu’un complément de 5 jeux pour la pédale, portant l’instrument à 54 jeux et 3467 tuyaux.

L’inauguration de l’orgue restauré a lieu le 4 mai 1969, avec Gaston Litaize aux claviers et une cathédrale comble. L’instrument de Cavaillé-Coll commence alors une seconde vie. Aux interventions en soliste à la messe et aux vêpres s’ajoute dorénavant l’accompagnement des chants de l’assemblée. Outre le service liturgique, l’abbé Abel Gaborit, titulaire de l’orgue de 1960 à 1999, n’a de cesse de faire connaître celui-ci par l’organisation de visites, conférences, enregistrements et concerts. Par la création et l’animation du Stage des Jeunes Organistes de Vendée puis de l’association des Amis de l’orgue de la Vendée, il impulse un véritable mouvement autour de l’orgue en Vendée. L’impressionnant livre d’or commencé en 1970, la douzaine de disques enregistrés, dont l’intégrale Franck par André Isoir, ainsi que la liste des artistes invités témoignent de cette action qui assure un rayonnement toujours plus grand du Cavaillé-Coll de Luçon. C’est dans la volonté de poursuivre cet élan qu’une nouvelle association est créée en 2013, Jeux d’orgues à la cathédrale de Luçon. L’organisation en 2015 de journées d’études internationales avec l’association Aristide Cavaillé-Coll permet notamment à plusieurs spécialistes d’approfondir la connaissance de cet instrument et d’envisager les contours d’une future restauration dont cet orgue exceptionnel a grandement besoin aujourd’hui, plus de 50 ans après les derniers travaux.

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© 2014  Jeux d'orgues à la cathédrale de Luçon

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